Thomas passa le trou dans la clôture. Ce type était infernal, je n’arrivais pas à le supporter. Pourtant, je devais bien avouer que son idée n’était quand même pas trop mal dans son genre… Avec Jeanne, Hellen, Lucas, lui et moi, pour le soir d’Halloween, nous avions décidé de nous rendre dans le vieux bois soi-disant « hanté », foutaise, murmurais-je pour moi-même quand il annonça son idée « brillante ». Après tout, il n’y avait rien d’original à se rendre dans un lieu qu’on disait hanté le soir d’Halloween, c’était plutôt un bon prétexte pour donner la frousse aux filles et en profiter plus tard. Nous nous étions donc armés de lampes torches pour ensuite prendre le chemin sinueux qui menait à ce bois clôturé, ce qui n’avait fait que renforcer la légende. Heureusement, le ciel n'était pas trop chargé, seul un vent un peu frisquet pouvait encore nous apporter des nuages, bien que la météo qu'on avait regarder sur Internent n'en prédisait pas, au regret de Thomas.
Déjà, rien que sûr le sentier, les deux filles s’étaient sensiblement rapprochée de David et Thomas, me laissant le soin d’ouvrir la marche… Et histoire d’être sûre qu’Hellen n’allait pas le lâcher de la soirée, il commença à raconter ce mythe connu de chacun d’entre nous ici, mais raconter avec son « talent de conteur », comme il se plaisait à le dire. Prenant une voix digne d’un film d’horreur, effrayante à souhait, il commença le récit :
-D’une contrée presque inconnu et reculé de notre région, presque oublié de tous, surgit un jour un homme. Un vieil homme, à l’allure de mendiant, le dos courbé par l’âge et, comme tous le crurent, le remord. Édenté, son visage emplit de rides ne laissait entr’apercevoir que deux petits yeux haineux qui vous lançaient des regards à vous tétaniser d’effroi. S’établissant dans une demeure au milieu des bois, il y restait cloîtré la plupart du temps, ne sortant que pour subvenir à ses besoins. Un jour, un adolescent du nom de Timmy eut la mauvaise idée de vouloir visité la maison du vieillard durant son absence… On ne l’a plus jamais revu. La police à fait des recherches durant des mois entiers, sillonnant toute la région, mais même son corps ne fut pas découvert. Dès lors, une menace invisible plana sur la maison : Quiconque tenterait d’entrer dans sa propriété mourrait. Évidemment, dans ce genre de situation, il y a toujours de petits curieux qui se croient plus intelligents et plus fort que les précédents. Ces petits curieux furent Éric Johnson et Prade Rivers, bien connu de tous à l’époque.
Emportant avec eux une caméra pour filmer la scène, les policiers ne retrouvèrent que celle-ci, la carte mémoire effacée… Chaque année, durant cette période même, des adolescents partent explorer cette forêt enrobée de mystères et de brouillards… Et n’en revienne JAMAIS !
Il avait hurlé le dernier mot, faisant sursauter les filles, et même hurler Hellen, peut-être plus à cause de la proximité de son oreille, mais bon. Lui s’en alla dans un rire franc, content d’avoir fait autant d’effet. J’entendis Lucas soupirer derrière, d’exaspération ou pour évacuer le stress, je ne savais pas, et je ne me retournai pas pour vérifier. Depuis longtemps, j’avais été qualifié comme étant le « couillon de la bande » ; Je ne supportais pas les films d’horreurs ou les attractions fortes, et je n’avais accepté de venir ici que dans l’espoir que Hellen ou Jeanne viennent se blottir contre moi, mais ça, c’était mal barre… Soupirant, d’agacement, j’éclairais les alentours avant de déclarer, m’arrêtant de marcher.
-Nous y sommes les gars… Vous avez les tenailles au moins ? Parce que sinon ne compter pas sur moi pour aller les rechercher…
-Roh, mais t’inquiète pas, on y a pensé, dit Lucas, tout content de serrer une fille dans ses bras. Sortant le matos de son sac à dos, il entreprit, enfin, de lâcher Jeanne pour faire un trou dans le grillage.
Tandis qu’il était en train de nous faire un passage, je sautillais d’un pied à l’autre, pas vraiment rassuré. Une fine brume recouvrait le sol, m’arrivant aux genoux, et un vent léger donnait une ambiance un peu morbide en secouant sinistrement les branches des arbres. Regardant mes pieds, je n’aperçu qu’une tâche de la couleur de mes chaussures, me prouvant que s’il n’y en avait pas beaucoup, celle-ci était épaisse. Je jetais un coup d’œil à la seule fille non-accompagnée, mais celle-ci fuyait mon regard… Génial.
Regrettant d’être venu, je n’eus malheureusement pas le choix de suivre tout le monde lorsque Thomas me lança un « Alors fillette, tu as peur de venir de l’autre côté ? », serrant le poing en me répétant mentalement que non, frapper ce gars ne l’aiderait pas à avoir des neurones supplémentaires, loin de là. En fait, en y réfléchissant, je ne voyais même pas ce que je faisais là. D’habitude, je trainais de temps en temps avec Lucas, surtout pour jouer à Borderlands ou à Battlefield, et je parlais de temps en temps avec Hellen, mais sans plus. Je n’avais jamais supporté Thomas et son air supérieur qu’il prenait dès qu’il s’adressait à moi, sans raison. En fait, j’avais même été sacrément surpris d’être invité à leur petite soirée où nous avions décidé de venir ici aujourd’hui… J'étais, après tout, un peu le paumé de la classe.
Marchant dans l’herbe et les feuilles humides, tout les quatre avançaient devant moi en papotant à voix basse, me laissant vraiment sur le côté. Déjà qu’un nombre impair était généralement à proscrire dans un groupe… Sortant mon portable de ma poche pour regarder l’heure, j’haussai un sourcil étonné en voyant qu’il n’y avait aucun réseau. Pourtant, même dans ma p’tite maison dans son coin paumé en avait. Il faut croire qu’il y a toujours un endroit avec moins que ce que l’on a, quelque part, songeai-je très philosophiquement durant un bref instant, avant de me dire que de toute manière, cette maison ne devait même pas avoir la télévision.
Traînant un peu des pieds, il était inévitable qu’un écart se creuse entre eux et moi, les arbres immenses m'empêchant même de regarder le ciel étoilé. Voulant le rattraper, je trottinai un peu, avant de me prendre le pied dans une racine cachée fourbement sous des feuilles, ce qui, à vrai dire, me sauva peut-être bien… En effet, un grand coup de vent venait de faire craquer une grosse branche à quelque mètres de moi, à l’endroit exact où je me serais trouvé sans cette chute inopinée… Me relevant rapidement, je vis que la troupe s’était retournée vers moi, un regard inquiet pour les filles, moqueur pour Thomas et intrigué pour la seule connaissance que j’avais. Relevant les mains et haussant les épaules, je leur dis :
-Pas de soucis, juste une mauvaise chute.
Et, bon sang, merci de vous inquiétez les gars, sincèrement… Thomas n’y trouva rien de mieux que de dire :
-Faut r’garder où tu mets les pieds hein, déjà que tu es maladroit.
Avant d’éclater d’un rire bien agaçant. Serrant les dents, je marmonnai plus pour moi-même que même si j’aurai voulu y porter attention, il y avait de satanées feuilles, et du satané brouillard. En plus de ça, il ne trouva rien de mieux que de m’éclairer avec la lampe torche qu’il avait sortit de son sac après être passé par le trou. Ébloui, je ne vis pas grand-chose de la forme sombre qui emporta Jeanne avec elle…
Hurlant de terreur, son cri fut vite étouffer par la chose qui l’avait emmenée. N’y réfléchissant certainement pas trop, Lucas fonça vers sa potentielle future petite amie en criant contre on ne savait pas encore trop quoi. Démarrant au quart de tour, je le suivais en hurlant :
-Bon sang crétin ! Revient, merde !
Ce n’était certes pas très poétique, mais ça permettait d’évacuer momentanément le stress. Mais bordel, quel con ce type, n’arrêtais-je pas de me répéter en boucle. Ne parvenant pas à le rattraper dans le noir, je balançai mon faisceau lumineux dans tout les sens, en espérant le voir courir et être certain de bien le suivre lui. Les arbres me parurent soudainement plus noirs, plus intimidant… Plus vivant, aussi. Une étrange impression me prit, comme si quelque chose clochait dans tout ça. Peut-être n’était-ce que le vent qui sifflait à mes oreilles, mais il me semblait que celui-ci redoublait d’effort pour me faire tomber avec de violentes bourrasques qui me projetaient presque sur les branches des arbres, à l’aspect bien trop pointu que pour être naturel. Haletant, et incapable de continuer plus longtemps, je posais mes mains sur mes genoux pour reprendre mon souffle. Je regrettais de ne pas avoir sécher moins de cours de sports, tout à coup. Jetant un regard derrière-moi, je vis le faisceau lumineux des deux autres, reconnaissable au balancement dû à la course.
Soudain, je trouvai ce qui n’allait pas : J’aurai du voir la lampe que Lucas avait, et si ce n’était pas le cas et qu’il l’avait laissé tomber, alors j’aurai du cogner dedans, ou m’en rendre compte… Me tournant rapidement vers la direction qu’était censé avoir prit mon ami, je n’y vis que du noir. Un noir menaçant, trop sombre, trop peu… Naturel. Et comme pour bien nous emmerder, une fichue bruine se mit à tomber, de l’eau s’agglomérant dans les quelque feuilles restantes pour nous tomber dessus en grosse goutte.
Allant à la rencontre du futur couple, je n’eus pas le temps de dire quoi que se soit que Thomas commençait :
-Putain mec, on doit se barrer ! C’est trop chelou comme endroit, je reste pas, fait ce que tu veux, mais j’reste pas… La panique transparaissait dans sa voix, ainsi qu’au teint blanchâtre de sa peau.
-Et Lucas ? Et Jeanne ? On ne va pas les laisser là, bon sang ! M’écriais-je, pour une fois, j’étais le plus courageux de la bande… Enfin, de nous deux.
-On appellera les flics, j’sais pas, mais je reste pas j’te dis ! Me cria-t-il presque.
Soufflant un bon coup pour rester calme et ne pas aggraver la situation, je lui répondis le plus calmement possible, essayant de ne pas laisser la peur qui me tétanisait prendre le dessus.
-Si tu te rappelles, dans ta fichue histoire, les flics ne retrouvent jamais rien. Et je compte bien revenir avec deux personnes vivantes, okay ? Alors tu fermes ta grande gueule et tu viens avec moi ! On va pas les abandonner quand même ! Bon, je m’étais un peu emporté pour les dernières phrases, mais, c’est vrai ça, on ne laisse personne derrière…
-Mais bordel, qu’est-ce que tu viens me faire chier avec ça ? C’est qu’une légende gars, ce … Ca… Ce qui à enlever Jeanne, c’est un tueur en série, un psychopathe, j’sais pas, mais moi j’me barre !
L’empoignant par le col, je n’eus pas le temps de commencer ma phrase qu’Hellen se jeta presque sur nous deux :
-S’il vous plait, arrêtez, arrêtez ça, arrêtez… Nous ne sommes déjà plus que trois ! Et si nous restons là plus longtemps, alors… On va tous mourir ! S’écria-t-elle d’une voix stridente, me perçant les tympans.
Lâchant l’autre dadais, qui recula, peut-être étonné que je puisse presque le soulever du sol quasiment, ou pas, sans effort. Ces deux-là étaient irrécupérables… Quoi qu’il arrive, ils allaient me lâcher. Thomas m’en fit une belle démonstration en lançant un lâche:
-Écoute, par à leur recherche si tu veux, moi j’vais raccompagner Hellen jusque chez elle, puis j’appelle les flics en chemin, toi, tu fais ce que tu veux, nous, on s’tire.
Je n’eus pas grand-chose à rajouter puisqu’à peine sa phrase terminée, il prit la fille par la manche pour l’emmener avec lui vers le chemin possible de la seule entrée. Et voilà, j’étais là, tout seul, planté comme un poireau… Une sueur froide me coula le long du dos, me rendant compte que j’étais définitivement seul, et que personne ne viendrait m’aider, moi… Ce connard de lâcheur allait le regretter, quand je reviendrais. Et il allait se coller une réputation de froussard pour le restant de ses jours. M’armant d’une branche d’une soixantaine de centimètres, je partis vers la direction inverse, espérant trouver Lucas par hasard…
Cela devait faire une dizaine de minutes que je marchais, à moins que ma perception du temps ne soit altérée par le stress et la peur, quand un grand cri strident retenti au loin. La chose avait trouvé les deux fuyards, ou tout du moins Hellen. Serrant fermement mon arme improvisée, je me précipitai vers la source du bruit. Après tout, si cette chose se dirigeait toujours vers le même endroit, j’allais certainement… La croisée….
Pourtant, j’eus beau courir aussi longtemps que mes jambes me le permirent, je ne vis… Rien. Que dalle. Que nada… Même pas un endroit de lutte, ou quelque chose du genre, une trace d’un corps qu’on traîne, rien… Pas même de branche cassée ou de ravage, comme j’en avais vu dans les rares films d’horreur que j’avais visionné. Sur le moment, j’eus juste envie de me rouler en boule et de ne plus bouger jusqu’à ce qu’un adulte vienne me trouver et me dise que je n’avais fait que rêver, ou que cet enfoiré de Thomas n’arrive pour me dire que, vraiment, il m’avait bien eut avec cette blague de merde. Mais, encore une fois, que dalle. Puré, mais pourquoi avais-je accepté de venir au juste ? L'envie de me faire des potes ?Même pas... Et si c'était le destin, là, je le détestais, le destin. En plus, la pluie avait transpercée mes vêtements, me trempant jusqu'à l'os. Même mes chaussures étaient remplies d'eau et de boues. Le pire restait le nombre incalculable de branches et de racines qui semblaient vouloir me faire tomber. C'te satané forêt...
Marchant désormais sans but, toujours à la recherche des deux premiers disparus, je tentais de me remémorer chaque scène, à la recherche d’un indice qui aurait pu me permettre de me rendre compte que tout ceci n’était qu’une saleté de blague, mais rien ne me vint à l’esprit. Soudainement, j’entendis un craquement dans mon dos. Me retournant, je ne vis strictement rien. J’eus la chair de poule, et mon instinct me gueula « COURS BORDEL, COURS ! », ce que je m’empressais de faire dès que mes jambes captèrent le message, me permettant de me retourner et de courir comme un dingue devant moi, laissant tomber ma lampe torche sur le sol, se fracassant sur le coup. C’était peut-être ce qui lui était arrivé, à Lucas. À force de courir tout le temps, mes poumons furent vite en feu, presqu’incapable de soutenir le rythme que j’imposais à mon corps, mais les bruits de courses derrières moi me firent battre des records.
Je me retournai un instant pour vérifier si mon poursuivant était toujours derrière moi, et je me pris une satanée branche dans la gueule, me faisant tomber par terre. Je failli hurler de terre lorsque… Lucas me toucha l’épaule pour me retourner sur le dos. Maculé de boue, il semblait à moitié aussi perdu que moi. Il m’aida à me relever en me demandant où était passé les deux autres, ce à quoi je lui répondis qu’ils étaient partis, m’abandonnant, et que j’avais entendu un cri de fille, il y avait environ cinq minutes.
Me jetant un coup d’œil, il sembla tout à coup tétaniser, paralysé, incapable de faire le moindre geste. Je n’eus pas le temps de me retourner que je vis des étoiles blanches parcourir ma vue, à demi-assommé. Sombrant à moitié dans la somnolence, je vis des fractions de combat contre Lucas et quelque chose. Et quelque chose semblait aussi vouloir s'en prendre à moi, je sentais quelques choses d'humides parcourir mes vêtements, m'enserrer la gorge, m'emprisonnant. Je voulus me relever à plusieurs reprises, mais d’étranges lierres à croissance hyper rapide me rattachai au sol, malgré le fait que j’en arrachai à pleine poignée. Mais Putain qu'est-ce que c'était que c'est Putain de plantes ! J'étais emprisonné du sol lui-même, d'une saleté de forêt maléfique ! Voilà pourquoi on ne retrouvait pas de corps...
Je m’arrêtai soudainement de bouger et de me débattre, ce qui permit au plante de m’immobiliser complètement dans un cocon qui s’enserra peu à peu, la forêt semblant me dévorer, m’amener dans ses profondeurs. Commençant à cracher, à toussoter, ma gorge en feu à cause de l’asphyxie, je me démena pour voir si Lucas s'en était sortit, lui, au moins. À la place, je pus enfin voir la créature. Celle-ci était ...
FIN